- PARASEXUALITÉ ET CIRCULATION GÉNÉTIQUE
- PARASEXUALITÉ ET CIRCULATION GÉNÉTIQUEL’existence de phénomènes sexuels est la règle chez les Eucaryotes, c’est-à-dire chez l’ensemble des êtres vivants formés d’une cellule ou d’un grand nombre de cellules dont le matériel génétique est condensé dans un noyau différencié. Leur cycle biologique comporte l’alternance d’une phase haploïde, pendant laquelle les noyaux ne renferment qu’un exemplaire de chaque chromosome et donc de chaque gène, et d’une phase diploïde où deux exemplaires de chaque chromosome sont présents. Le passage de la phase haploïde à la phase diploïde résulte de la fusion de deux cellules haploïdes qui mettent en commun leur matériel génétique. Le retour à l’état haploïde est assuré par la méiose. Les ségrégations indépendantes des chromosomes non homologues, d’une part, les crossing over entre chromosomes homologues, d’autre part, qui se produisent à la méiose, permettent la redistribution des gènes préalablement associés dans une même cellule. Ces phénomènes aboutissent, à chaque génération, à la production d’un spectre très étendu de combinaisons de gènes, de génotypes haploïdes puis diploïdes distincts. En amplifiant d’une manière extraordinaire l’effet des mutations, ils sont une source de variabilité génétique. Ainsi, le jeu combiné des fusions cellulaires à la fécondation et de la mécanique chromosomique à la méiose assure un brassage régulier et efficace de l’information génétique et réalise l’intégration des individus qui participent à des échanges sexuels en un ensemble, un niveau d’organisation supérieur à celui de l’individu, celui de la population et de l’espèce. La faculté de réaliser des échanges, des recombinaisons génétiques, est donc une propriété absolument fondamentale et nécessaire du matériel génétique des êtres vivants.Contrairement à celui des Eucaryotes, le cycle de reproduction des Protocaryotes ne comporte pas d’alternance régulière de phases haploïde et diploïde. On a cependant découvert chez ces organismes différents mécanismes qui assurent le transfert d’information génétique d’un individu à l’autre. C’est à propos de ces mécanismes qui, en permettant les recombinaisons génétiques, remplissent le rôle essentiel de l’ensemble fusion cellulaire-méiose chez les Eucaryotes, que l’on parle de parasexualité.1. ParasexualitéCas des virusLe matériel génétique des virus, qu’il s’agisse d’acide ribonucléique (ARN) ou désoxyribonucléique (ADN), est, comme celui de tous les organismes, susceptible de muter. La variabilité génétique peut affecter différents caractères viraux, la thermosensibilité par exemple, c’est-à-dire l’intervalle de températures à l’intérieur duquel un virus peut se multiplier, ou bien le spectre d’hôtes, c’est-à-dire le spectre de cellules, de tissus ou d’organismes que le virus est capable d’infecter. Ainsi, la souche «sauvage» du bactériophage T2 se multiplie dans une souche A du colibacille (Escherichia coli ). Elle donne sur un tapis bactérien A des plages de lyse formées d’un petit centre clair entouré d’un halo. Cette même souche «sauvage» ne se multiplie pas et ne donne pas de plages sur un tapis de bactéries d’une autre couche du colibacille, la souche B. Certains mutants de T2 infectent également les bactéries des couches A et B. On représente par le symbole h la mutation responsable de l’élargissement du spectre d’hôtes. D’autres mutants déterminent sur bactéries A de grandes plages sans halo. On représente par le symbole r la mutation qui modifie l’allure de la plage de lyse. Les souches mutantes r ne forment pas de plage sur bactéries B.La parasexualité des virus est liée au fait qu’une même cellule hôte peut être infectée par plusieurs virions. Ainsi, l’infection simultanée de colibacilles par des phages des souches r et h permet l’obtention d’une récolte virale qui contient non pas deux, mais quatre génotypes viraux. L’un des types est incapable de se multiplier dans les bactéries B et donne, sur tapis bactérien A, de grandes plages dépourvues de halo. Un second type se multiplie également dans les bactéries A et B sur lesquelles apparaissent de petites plages à halo. Ces deux premiers types sont respectivement identiques aux deux souches r et h utilisées pour réaliser l’infection mixte. Un troisième type viral est capable d’infecter les bactéries A et B sur lesquelles il forme de grandes plages sans halo. Les deux mutations r et h sont donc l’une et l’autre présentes dans ce nouveau génotype. Enfin, le dernier type ne se multiplie que dans les bactéries A sur lesquelles il forme de petites plages à halo. Identique à la souche «sauvage» de T2 ainsi reconstituée, il ne contient ni la mutation r ni la mutation h .L’infection mixte est donc l’équivalent d’un croisement. La présence de nouveaux génotypes, dans les récoltes virales obtenues à la suite d’une infection mixte, est la manifestation d’interactions, de recombinaisons génétiques qui se produisent entre les molécules d’acide nucléique viral au cours du cycle intracellulaire. Les trois étapes: cassure, réunion, réparation d’une recombinaison, sont illustrées ici par un schéma (cf. figure). Le génome des virus est généralement constitué d’une unique molécule d’acide nucléique. Dans la cellule infectée, les molécules sont reproduites, mais également fragmentées sous l’action de nucléases (1re étape). La reconnaissance des fragments complémentaires et leur réunion sont, en premier lieu, fondées sur la complémentarité des séquences des bases des deux chaînes polynucléotiques du génome viral (2e étape), l’action conjuguée de différentes enzymes (nucléases, polymérases, ligases) rétablit la continuité des deux chaînes polynucléotidiques (3e étape) et l’intégrité de la molécule. La réunion de fragments provenant de deux molécules, d’origine différente, peut ainsi donner un génome complet recombiné.Cas des bactériesLes mécanismes de parasexualité actuellement connus chez les bactéries ne consistent jamais en la fusion de deux corps bactériens. Ils comportent toujours le transfert d’acide désoxyribonucléique d’une bactérie donneuse à une bactérie receveuse. Les deux partenaires jouent donc des rôles dissymétriques. De plus, le transfert n’intéresse qu’une partie du génone, qu’un fragment de l’ADN de la bactérie donneuse. Le transfert n’aboutit donc pas à la formation d’une bactérie diploïde, mais à celle d’une bactérie au génome haploïde de laquelle se trouve ajouté un fragment d’ADN exogène. La cellule receveuse est incapable de reproduire cet ADN exogène tel quel, mais, par recombinaison, celui-ci peut se substituer au fragment d’ADN homologue de la bactérie receveuse. La substitution, lorsqu’elle fait suite au transfert, réalise donc l’échange d’information génétique entre deux bactéries. Si le remplacement n’a pas lieu, le fragment introduit est perdu; le transfert est alors sans conséquences pour la bactérie receveuse. La parasexualité chez les bactéries est donc le transfert d’un fragment d’ADN d’une bactérie à une autre, suivi d’une recombinaison qui substitue tout ou partie du fragment d’ADN exogène à l’ADN homologue endogène.Les modalités du transfert sont extraordinairement variées. La situation la plus primitive est la transformation où le transfert s’effectue sous forme d’ADN nu. Lorsque c’est un virus qui se charge du transport, on parle de transduction . Dans ces deux cas, l’échange ne nécessite aucun contact direct entre bactéries donneuse et receveuse. En revanche, dans la conjugaison , le transfert se produit à la faveur d’un véritable appariement entre deux bactéries de types sexuels complémentaires.La transformation bactérienneSi des bactéries sensibles à la streptomycine sont placées dans une solution d’ADN purifié extrait d’une souche de bactéries appartenant à la même espèce, mais résistant à cet antibiotique, on voit apparaître, parmi les bactéries sensibles traitées, des bactéries transformées, recombinées, résistant à la streptomycine. Toutes les espèces bactériennes ne sont pas transformables; le pneumocoque (chez qui le phénomène a été découvert) et le bacille subtil le sont; en revanche, on n’a encore jamais réussi à transformer les colibacilles. De plus, lorsque l’espèce est transformable, l’expérience ne réussit que si les bactéries se trouvent dans un état physiologique particulier, dit de compétence , qui permet la fixation et l’absorption de l’ADN transformant. Il est également nécessaire que l’ADN ne soit pas trop dégradé et que sa masse moléculaire soit au moins de l’ordre du million de daltons. Dans les meilleures conditions expérimentales, l’efficacité demeure faible: la fréquence, parmi les bactéries traitées, des bactéries transformées pour un caractère, la résistance ou la sensibilité à un antibiotique par exemple, ne dépasse que rarement 1 p. 100. Elle est souvent beaucoup plus faible.La transductionUne petite fraction des particules produites par une bactérie, à la suite de l’infection due à certains bactériophages, est formée d’une capside de protéines virales entourant un fragment d’ADN bactérien. Ainsi, dans une bactérie infectée, l’assemblage des protéines virales, donc l’édification du virion, peut, accidentellement, s’effectuer autour d’un morceau d’ADN bactérien au lieu d’une molécule d’ADN phagique. Ces particules hybrides dites transductrices , peuvent, tout comme les virions normaux, s’adsorber sur une bactérie sensible et y injecter l’ADN qu’elles contiennent. Elles permettent donc le transfert d’un morceau d’ADN bactérien d’une bactérie à une autre et lui assurent une protection qui fait défaut à l’ADN transformant [cf. LYSOGÉNIE]. La taille du fragment transféré, sensiblement égale à celle de l’ADN viral qu’il remplace, dépend donc de l’espèce du phage transducteur. Pour les petits phages, elle représente environ 1 p. 100 du génome bactérien, c’est-à-dire une longueur comparable à celle des molécules d’ADN transformant. Les plus gros phages peuvent transporter jusqu’au dixième du génome d’une bactérie. La transduction réalise la même situation que la transformation. Pour ne pas être perdu, l’ADN introduit doit être intégré dans le chromosome de la bactérie réceptrice. La fréquence des particules transductrices dans une récolte virale, bien que variable selon le phage et la région du chromosome bactérien considéré, est toujours de l’ordre du millionième. La transduction n’est donc pas un mécanisme d’échange d’informations génétiques efficaces.La conjugaison bactérienneTrois types sexuels représentés par les symboles -, + et Hfr existent chez le colibacille. Dès qu’on les met en présence, les bactéries de type complémentaire, - et + d’une part, - et Hfr d’autre part, forment des couples qui demeurent appariés pendant une durée allant de quelques minutes à quelques dizaines de minutes. Au cours de cette conjugaison se produit un transfert d’ADN de la bactérie donneuse, + ou Hfr, à la bactérie receveuse - (cf. photo). Ce processus se réalise sans perte d’information génétique pour le donneur. Il est, en effet, couplé avec une réplication de l’ADN. Des deux copies produites, l’une est transférée alors que l’autre est conservée par la bactérie donneuse.Le génome d’une bactérie + est formé de deux molécules d’ADN: une petite molécule, appelée «facteur F», qui contient en particulier l’information permettant l’expression du type sexuel «donneur» ou mâle, et une grande molécule, le chromosome , représentant l’essentiel du génome bactérien. Les bactéries - sont dépourvues de facteur F. Au cours d’un appariement - 漣 +, seul le facteur F est transféré avec une très grande efficacité dans les premières minutes qui suivent la formation du couple. La conjugaison aboutit, dans ce cas, à la transformation d’une bactérie réceptrice femelle - en une bactérie donneuse mâle +.Le facteur F est également présent dans les bactéries Hfr mais, au lieu d’y être libre, physiquement indépendant du chromosome, il est intégré dans la continuité de celui-ci. Une bactérie + peut devenir Hfr et réciproquement. Le changement d’état +Hfr est le résultat d’une recombinaison génétique entre le facteur F et le chromosome, ce qui entraîne l’insertion du facteur F en un point précisément déterminé du chromosome. Un événement de recombinaison symétrique conduit à la libération du facteur F du chromosome Hfr et donc au changement d’état Hfr+.Lors d’une conjugaison - 漣 Hfr, le facteur F intégré mobilise le chromosome et permet son passage dans la bactérie -. Ce passage se produit de façon progressive, séquentielle, polarisée à partir d’une origine fixée par le point d’insertion du facteur F. Les couples se séparent, dans la très grande majorité des cas, avant qu’il ne soit complet. Les gènes sont ainsi transférés d’autant plus fréquemment qu’ils sont plus proches de l’origine de transfert.Des trois mécanismes parasexuels actuellement connus, la conjugaison se rapproche le plus des phénomènes sexuels des Eucaryotes dont il peut paraître une ébauche. En outre, lorsque la bactérie mâle est Hfr, ce mécanisme assure avec la plus grande efficacité le transfert d’information génétique d’une bactérie à l’autre. Cependant, si la conjugaison s’observe dans différentes espèces bactériennes, le type sexuel Hfr n’est connu que chez le colibacille et semble très rare dans les souches naturelles. D’une façon générale, on manque d’informations pour apprécier le rôle effectivement joué dans la nature par ces mécanismes parasexuels en tant qu’équivalents de la sexualité, c’est-à-dire en tant que promoteurs de recombinaisons génétiques.Cas des mitochondriesLes mitochondries, comme d’autres organites des cellules d’Eucaryotes tels que les chloroplastes, contiennent des molécules d’ADN porteuses d’information génétique. Ainsi, dans certaines conditions, la levure de boulangerie ne se multiplie pas et meurt en présence d’antibiotiques comme le chloramphénicol ou l’érythromycine. On a isolé des levures mutantes, résistant à une ou l’autre de ces drogues, et démontré que les mutations correspondantes affectent l’ADN mitochondrial et non l’ADN nucléaire. De la descendance d’un croisement entre une souche de levure résistante au chloramphénicol et sensible à l’érythromycine (Cr Es ) et une souche sensible au chloramphénicol mais résistant à l’érythromycine (Cs Er ), on peut isoler des cellules qui sont à la fois soit sensibles (Cs Es ), soit résistant (Cr Er ) aux deux antibiotiques. Ces levures contiennent des mitochondries recombinées génétiquement différentes des mitochondries de chacune des deux souches parentales. Des échanges, conduisant à des recombinaisons génétiques, se produisent donc entre les mitochondries à l’intérieur des cellules. Des recherches en cours suggèrent que les modalités du transfert de matériel génétique entre mitochondries sont analogues à celles de la conjugaison bactérienne. Il existerait en particulier différents types sexuels de mitochondries. Ces découvertes conduisent à s’interroger sur l’origine phylogénétique des mitochondries.2. Circulation génétiqueComme toutes les populations naturelles, les populations bactériennes ne sont jamais statiques, mais au contraire variables au cours du temps (évolution verticale) et dans l’espace (évolution horizontale). Cette dynamique évolutive est la conséquence de modifications héréditaires qualitatives et quantitatives du génome bactérien. Elle permet à une population bactérienne de tendre vers la meilleure adaptation à l’écosystème dans lequel elle se développe.Les changements héréditaires qualitatifs sont dus aux mutations chromosomiques . Celles-ci [cf. ANTIBIOTIQUES] apparaissent spontanément dans une population bactérienne, mais ne sont pas transmissibles en dehors de la progénie, c’est-à-dire la descendance des cellules mutantes, et elles sont donc responsables de l’évolution verticale d’une population bactérienne.Les changements héréditaires quantitatifs correspondent à des acquisitions de matériel génétique exogène qui peut généralement être retransmis à d’autres bactéries en dehors de la progénie. Cette transmission exogène d’information génétique est consécutive à des événements de transformation, de conjugaison ou de transduction qui conduisent donc à une véritable circulation génétique . Cette dernière est responsable de l’évolution horizontale d’une population bactérienne. L’information génétique circulante, telle qu’elle vient d’être définie, est certainement la plus nécessaire aux bactéries. Dans l’environnement actuel, elle est essentiellement constituée par les gènes de résistance aux antibiotiques. En effet, l’une des principales causes de l’évolution de la résistance bactérienne est la dissémination de gènes de résistance chez des genres bactériens auparavant uniformément sensibles. Ces gènes constituent donc des traceurs épidémiologiques de choix pour l’étude de la circulation de l’information génétique dans les conditions naturelles. Il est toutefois important de noter que les notions acquises dans ce domaine dépassent nettement le champ de la résistance aux antibiotiques et qu’elles ont permis de mieux comprendre les mécanismes moléculaires dont disposent les bactéries afin de résoudre leur problème d’acquisition de gènes.Les plasmidesC’est en 1959, au Japon, que le rôle des plasmides comme vecteurs de dissémination de gènes de résistance fut mis en évidence pour la première fois. Lors d’une épidémie de dysenterie bacillaire, il a été montré que les malades hébergeaient des souches de Shigella flexneri et de Escherichia coli possédant les mêmes caractères de résistance (chloramphénicol, streptomycine, sulfamides et tétracycline). L’ensemble de ces caractères était transférable en bloc par conjugaison intra- et intergénérique à des souches sensibles de S. flexneri et de E. coli à des fréquences incompatibles avec les fréquences d’apparition de mutations spontanées chromosomiques. Il avait également été remarqué l’existence d’analogies importantes entre les propriétés de ce type de structure et celles du facteur F (cf. Parasexualité ) qui, depuis sa découverte par Lederberg en 1950, était l’objet de nombreuses études. Les conséquences thérapeutiques de la résistance aux antibiotiques ont incité les biologistes à s’intéresser aux plasmides bactériens. Les nombreux travaux réalisés sur ces structures extrachromosomiques ont permis de comprendre le rôle qu’ils étaient susceptibles de jouer dans les transferts d’information génétique entre bactéries phylogénétiquement proches ou éloignées.Les plasmides sont des molécules d’acide désoxyribonucléique (ADN) double brin circulaire, extrachromosomique, dont la taille peut varier de 2 à 400 kilobases. À titre de comparaison, le chromosome de Escherichia coli a une taille d’environ 4 000 kilobases. Ces molécules sont douées de réplication autonome et sont transmises de façon stable au cours des générations. Un mécanisme de contrôle précis assure à la fois la réplication, le nombre de copies (existence d’un nombre fixe de copies plasmidiques par copie de chromosome) et la répartition équitable des copies plasmidiques dans les cellules filles lors de la division cellulaire. La perte spontanée d’un plasmide est généralement inférieure à 1 p. 100. Certains plasmides ont une faible spécificité d’hôte et peuvent se répliquer dans des bactéries appartenant à des genres très nombreux et phylogéniquement très éloignés. Chez les bactéries à Gram négatif, par exemple, le plasmide RP4 est capable de se répliquer chez les entérobactéries (Escherichia coli , Klebsiella , Salmonella , Shigella , etc.) ainsi que chez Pseudomonas , Bordetella , Agrobacterium , Rhizobium , etc. Chez les bactéries à Gram positif, le plasmide pAM 廓1 se réplique chez Bacillus , Clostridium , Listeria , Staphylococcus , Streptococcus , etc. Il existe également de rares exemples de plasmides issus de bactéries à Gram positif qui peuvent se répliquer chez Escherichia coli . Les plasmides possédant une faible spécificité d’hôte sont bien évidemment les vecteurs les plus efficaces pour les transferts horizontaux d’information génétique.En général, les plasmides naturels des procaryotes ne sont pas indispensables à la vie de la bactérie hôte. Ils sont le support d’une grande variété de caractères qui confèrent à la bactérie une grande souplesse génétique. Ces caractères sont fréquemment, mais non exclusivement, des déterminants de résistance aux antibiotiques (cf. tableau). L’acquisition d’un plasmide par une bactérie est à même de lui permettre une meilleure adaptation à un environnement défavorable, une meilleure implantation dans certains hôtes, une compétition victorieuse avec d’autres micro-organismes.Les plasmides peuvent être divisés en deux grandes catégories: les plasmides conjugatifs et les plasmides non conjugatifs. Un plasmide conjugatif est autotransmissible d’une cellule à une autre, c’est-à-dire qu’il possède l’information génétique qui lui permet d’assurer son propre transfert. Un plasmide conjugatif typique de Escherichia coli mesure environ 90 kilobases et, dans ce cas, les gènes nécessaires au transfert correspondent au tiers de la molécule. Le nombre de copies plasmidiques par copie de chromosome est faible, généralement de 1 à 3. La présence d’un plasmide conjugatif dans une cellule s’accompagne de la synthèse d’appendices sexuels (pili) et de nombreuses protéines nécessaires au processus complexe de la conjugaison. Il existe une dizaine de systèmes conjugatifs différents chez les bactéries à Gram négatif. Le phénomène de conjugaison plasmidique a également été décrit chez de nombreuses bactéries à Gram positif (Bacillus , Clostridium , Staphylococcus , Streptococcus , Streptomyces , etc.) où il a été beaucoup moins bien étudié que chez E. coli . Il est le principal responsable de la dissémination des gènes de résistance aux antibiotiques dans les conditions naturelles.Un plasmide non conjugatif, par définition, ne possède pas l’information nécessaire à son propre transfert. Ces plasmides ont des masses moléculaires généralement comprises entre 2 et 30 kilobases et leur nombre de copies par copie de chromosome est élevé (supérieur à dix). De nombreux plasmides de ce type sont dits cryptiques: ils ne codent pour aucune fonction connue, hormis l’autoréplication, et ne peuvent être détectés que par des techniques physiques d’analyse de l’ADN (électrophorèse ou microscopie électronique, par exemple). Certains plasmides non conjugatifs peuvent utiliser les fonctions de transfert d’un plasmide conjugatif présent dans la même bactérie. Il s’agit dans ce cas d’un transfert par mobilisation. Toutetois, qu’il soit conjugatif ou non conjugatif, un plasmide peut également être transféré par transduction (transfert par l’intermédiaire d’un bactériophage) ou par transformation (incorporation directe de l’ADN).Les plasmides n’ont pas que des inconvénients par leur incidence sur les moyens thérapeutiques. Ils constituent un outil précieux de la biologie moléculaire en tant que vecteurs de clonage au cours de manipulations génétiques.Les transposonsDe nombreuses études épidémiologiques ont montré que les plasmides de résistance étaient susceptibles d’évoluer in vivo par acquisition ou perte successive de déterminants de la résistance. Cette évolution, qui rend partiellement compte de l’émergence de souches multirésistantes, est une conséquence du caractère transposable de certains gènes de résistance. Les transposons sont des séquences d’ADN capables de promouvoir leur translocation d’un réplicon sur un autre (plasmide/plasmide, plasmide/chromosome, chromosome/plasmide) en l’absence d’homologie entre les ADN qui interagissent et indépendamment des fonctions de recombinaison réciproque de la bactérie hôte. Des transposons codant pour la résistance aux métaux lourds, la production de toxines et la capacité d’utiliser certains métabolites (lactose, raffinose, histidine, composés sulfurés) ont également été décrits. Il est maintenant évident que tout gène peut être situé sur un transposon pourvu que s’exercent des pressions de sélection suffisantes. Ces éléments, dont la taille varie de 2,5 à 30 kilobases, codent en outre pour les enzymes impliquées dans le mécanisme de transposition. Dans un environnement donné, les phénomènes de transposition et de transfert aboutissent rapidement à la construction modulaire in vivo de l’espèce plasmidique la mieux adaptée à la vie de la bactérie. Cependant, le rôle des transposons n’est pas uniquement de permettre la construction «à la carte» du plasmide idéal. Ces éléments peuvent permettre le transfert d’un plasmide non conjugatif et non mobilisable d’une bactérie à une autre par formation d’une structure fusionnée avec un plasmide autotransférable. Ils sont également susceptibles de participer activement à la dissémination de gènes entre des bactéries phylogéniquement éloignées, en permettant l’implantation d’un caractère là où celle d’un plasmide échoue (non-maintien du réplicon transféré). Cette dernière propriété est vraisemblablement à l’origine de l’émergence de souches multirésistantes de Haemophilus influenzae qui, jusqu’en 1975, était universellement sensible à tous les antibiotiques. L’analyse du support génétique de ces caractères a montré que la résistance était due à la présence, sur des plasmides endogènes au genre Haemophilus , de transposons homologues à ceux des entérobactéries. Les plasmides de résistance issus des entérobactéries peuvent être transférés par conjugaison à Haemophilus mais ne s’y répliquent pas. L’apparition de plasmides de résistance chez Haemophilus pourrait résulter de la présence transitoire d’un plasmide d’entérobactérie véhiculant un ou plusieurs gènes de résistance transposables, puis de la stabilisation par transposition de ces gènes sur des réplicons de la bactérie hôte suivie de la perte du plasmide donneur. Ainsi construits, ces plasmides ont pu être disséminés à des genres bactériens phylogéniquement proches de H. influenzae (H. parainfluenzae et H. ducreyi ) et chez Neisseria gonorrhoeae chez qui ils peuvent se maintenir de manière stable. De même, il est vraisemblable que l’émergence de souches multirésistantes chez Streptococcus pneumoniae soit également due à l’acquisition de transposons qui se sont intégrés dans le chromosome de ces bactéries.Il apparaît donc que la présence de gènes de résistance sur des plasmides autotransférables et/ou sur des éléments transposables leur confère une extraordinaire potentialité épidémique. L’étendue des transferts d’information génétique observés dans les conditions naturelles ne semble pas connaître de limite puisque des gènes de résistance spécifique des cocci à Gram positif (staphylocoques, streptocoques) ont même été mis en évidence chez des bactéries à Gram négatif (Campylobacter , E. coli , N. gonorrhoeae ) isolées en clinique.
Encyclopédie Universelle. 2012.